Miserere Luminis Ordalie 1. Noir fauve Tout autour il n’y a que des flammes qui hurlent. Et chantent affreusement, Dans l’essoufflement terrible de la destruction. Et tombent près de toi Des morceaux embrasés de paradis. Perséides aux lambeaux de tendresses. Jetés à terre de souffrances et de furie. Tu avales à grands cris les vestiges de tes étoiles. Répandues en débris d’essors et d’abandons. Et tu cherches à recueillir dans les failles de la perfection Les souvenirs défigurés de quelques nébuleuses. Alors que tout est baigné de l’irréparable clameur. Et de fumées délétères. L’espoir explosé d’avoir voulu toute la lumière. Avidement. De tes larmes ressort le reflet amer des astres fendus. Et tu contemples d’un calme meurtrier, L’âme courbe et le regard tordu d’effroi, Le paysage jonché de carcasses incendiaires, Et de ténèbres croches, D’une échouerie tragique et noire. Et tu te brises aussi, Renversé, Dans un vent qui ne porte que des chorales de braises et de beautés fondues. Pendant que s’enfoncent lourdement en ton cœur et ses gouffres l’étincelle sublime et la violence imprécise d’un amour chaotique. Perçant le tissu de la nuit, Tes cieux sont éventrés de multiples douleurs, Et de pulsions volcaniques. Et tu songes à dévorer, autant que l’avenir te consume. Fendre le monde. Éperdument. Pour que d’une même morsure éclatent Le goût de la jouissance, et celui de la pourriture. De la brûlure enlacée à l’assouvissement du doute. Au fond de tes yeux coulent des ombres fauves. Cernées d’écumes de rage et de vieux tremblements. Vers l’océan flou et au creux de tes mains, Porte le feu. Porte le d’une mort à l’autre. Et je t’aimerai sauvagement. 2. Le sang des rêves Ainsi, Agenouillé dans le vacarme et la ruine. Tu t’étouffes des poussières terrestres. Étranglé de désarroi et de haut-le-corps Inarrêtables. Ainsi jaillissent les vérités tristes. Tes larmes épousent lentement la brûlure, Glissent de tes doigts sur les anges effondrés, Et pointent l’absence, maintenant, de promesses divines Au creux de tes lésions, Dans le fleuve illisible de ta métamorphose, Et dans la mer insondable de ta chair ouverte. Et l’océan dans tes veines, dans ton souffle. Dans tes silences, l’océan sidéral. Éclairé de désastre. Sous la dorure terminale de soleils descendants. S’agite, se tord et se mêle de ses propres vagues. L’immensité salvatrice qui suinte hors de toi, À coup de sanglots et de détresses, Et de recueillements en éclats. Brisée d’une violence unanime, D’une même voix. Vers le fond du monde. La blancheur pure où tu pensais pouvoir vivre Se teinte d’écarlate déjà. Submergé, Tu avances malgré l’infiltration du vide, À moitié aveugle, Dans les lumières altérées. S’il faut que tes rêves et tes prières Soient constellés d’azur calciné. Que de ton corps s’écoulent les douceurs mourantes. Et les étreintes crevées. Et que miroite sereinement dans le sang l’ancre des jours. Qu’en toi reluisent puissamment d’innombrables cicatrices. À nouveau, et pour toujours. Inondant de perles rouges nos noces combustibles. Nos douleurs d’ivresse. Je serai, dans les déchirures de ton regard, La lame et le diamant. Je chanterai le psaume de la plaie vive. Et vivrai d’écorchures et de drames. 3. La fêlure des anges Maintenant Tu portes tes blessures Comme des voiles Et quelques lambeaux de la nuit, Aiguillés aux douleurs cardinales, Suspendus d’une plaie à l’autre. Pour survivre un instant aux cauchemars de la terre. Tu tisses du monde l’étoffe de la disparition. Des vagues fauves aux limites des étoiles. Dans une main, le silence Enlacé d’ombres. Dans l’autre, la somme des naufrages. Tu recouvres le sang et les restes de ta vie Des gestes de la noirceur. Et prends de l’océan les larmes Pour soulager la brûlure de ton regard. Pour vivre un instant dans l’allégresse des anges Tu masques ton visage Et l’abîme de tes yeux Avec la dorure du ciel. Une mince lumière Et la maigreur de ton espoir. Maintenant Tu arbores la fêlure, le cratère, le cri Le moment vide et la peine absolue. Le désordre de Dieu. La terreur nue Que des étincelles se transmettent. Que ton coeur imite la beauté. Brutalement. Pour t’arracher à tes mots avariés, Aux monuments de tes délires. Je descendrai vers toi Dans la violence encore une fois, peut-être. S’il te faut le feu de l’horreur Comme prière de la fuite. Je serai l’appel furieux des armes salvatrices. La carence exacte de la lame et de la flamme. J’attacherai des constellations aux bouées de ton retour. 4. Les couleurs de la perte 5. De venin et d'os Et puis, Dans tes nausées acides Rouillent les rouages millénaires d’une symétrie assassine. Des plafonds célestes et des profondeurs nauséabondes. Des lumières sales qui font fleurir, Entre les arches moisies de la solitude, Nos désirs vestiges Étalés en siècles d’abattoirs. Et dans tes respirations décousues, Tu portes toujours l’élégance tranchante Des amours et des cadavres qui ponctuent l’art sinistre d’exister. Et tu creuses encore vers des paradis inversés. Dans les entrailles où rumine la transcendance Dont la colère tranche lentement ta voix. Et plante dans ta souffrance le miroir acéré de l’angle des désastres. Et puis, Tu te tords entre les aurores brisées de tes révoltes, de tes crachats et de tes errances Et de la beauté qui te décompose. Étoiles, Ressorties des douleurs. Du néant atroce. Échappées du désespoir. D’entre les os et la boue. Phares fragiles. Étoiles, Survivantes. Soleils, Des langages effacés. Habillés d’espoirs vaincus. Au plus noir du coeur Soleils des paroles saintes Et des verbes du sens. Soleils, À l’aube nucléaire. Des cieux démembrés. En toi se bousculent et se renversent La poésie des catastrophes Et le venin de l’urgence De reprendre le ciel, De répondre à la morsure par les fleurs du sang, Et les couleurs de la perte. Par les vers d’un amour déchaîné. Et de crier à la mort Des phrases percées de lumières. Vomir et recouvrir la nuit. De mots à pourfendre l’au-delà. Des mots, auxquels je survivrai.